Thomas Fersen



Nous l'avions rencontré il y a quelques semaines. C'était à Calvi, dans le sud d'une Corse encore baignée de soleil, à l'occasion du Festival du Vent. Fatigué de n'avoir pu poser ses valises depuis un an et troublé par l'absence de son pianiste, Thomas Fersen y avait pourtant donné un concert plein de sensibilité, de grâce, et même de tendresse. Un mot que j'ai au bord des lèvres chaque fois que je repense à Thomas sur scène. Je dis Thomas parce que ses chansons m'accompagnent si souvent qu'il est presque devenu un proche dont je ne connais que la voix, la poésie et l'humour. Ses valises, il a tout de même réussi à les poser quelques jours à Paris. Il vient d'y passer les soirées de ce début de novembre maussade et pluvieux à ensoleiller la salle du Trianon... Quoique "enflammer" serait plus approprié pour restituer la chaleur du premier concert, le 6 novembre dernier. Ah, ce qu'on peut l'aimer, Thomas Fersen ! Il nous fait voir des papillons de toutes les couleurs, nous emmène chanter la liberté à La Havane, suspend le temps pour compter les blattes, nous fait toujours danser au bal des oiseaux (grâce auquel il a pris son véritable envol, il y a quelques années) et nous fait piaffer puis tourner la tête lorsqu'il se prend pour Bucéphale ! Depuis son premier album, les rythmes se sont faits plus rapides, la nostalgie plus légère, l'humour plus libéré. Mais c'est toujours le même ton, poétique et amusé, jamais triste ou désabusé. Fersen, c'est aussi cette élégance qui le fait regagner les coulisses alors que ses musiciens font tour à tour rire et pleurer leurs instruments dans des échappées belles, que l'on sent improvisées à l'aune du bonheur de jouer et de partager. Une fine équipe composée d'un pianiste, guitariste-violoniste, accordéoniste, bassiste, percussioniste, tous des virtuoses époustouflants et merveilleux de complicité autour d'un chanteur qui n'hésite pas à gratter le yukulélé, instrument préféré de Marylin Monroe, comme il se plaît à le rappeler. Le seul ennui, lorsque l'on assiste à un concert de Thomas Fersen (lui aussi doit en savoir quelque chose...), c'est qu'il faut bien finalement se résigner à partir... "Standing ovation" pour chaque rappel...Une fois, deux fois, trois fois... Et l'on découvre un Fersen, d'habitude si réservé et nonchalant, soudain farceur voire déchaîné ! Il tombe de sa chaise, prend le ton de la confidence et esquisse le genre de grimaces que l'on n'ose qu'entre potaches. Ca tombe bien, on se croirait d'emblée dans une soirée entre vieux amis. Et à observer ce public éclectique de gens normaux et heureux, aux joues rosies par le plaisir d'être là (les minettes pré-pubères se pâmant devant des bandes d'éphèbes musclés-épilés ne pourraient pas comprendre), on se dit que c'est peut-être à des petits détails comme ça que l'on reconnait les artistes qui durent. Point d'hystérie donc, à un concert de Thomas Fersen, mais un vieux truc que l'on aurait pu croire oublié.
Pourtant, souvenez-vous, cela revient si facilement en musique. Cela s'appelle le bonheur.

Contacter l'auteur : soazick@hoffshore.com

CARRE Soazick
Agorart
 Novembre 1999