Thom4s Fersen



Lorsqu'on parle de Thomas Fersen, certains mots reviennent inlassablement comme une incantation : légèreté, insouciance, et quelques noms d'oiseaux. En peu de temps, après ses débuts de piano-bar, le chanteur s'est trouvé à la fois un style et un son. Un style, une voix - juste ce qu'il faut éraillée -, une façon de voir le monde que l'on achète en bloc ou pas du tout.
En 93, alors que sortait son premier album, Le Bal des oiseaux, le mot circulait un peu sous le manteau. Les amateurs de chanson se passaient le disque, comme on se refile une bonne adresse de resto sympa.
On voulait le faire connaître, mais à ses amis seulement. On ne voulait pas faire la queue pour avoir une bonne table à ce même bistro, pourtant si alléchant quelques mois auparavant. Le bouche à oreille a fonctionné.
Lentement, mais sûrement, de cadeaux d'anniversaire en présents sous l'arbre de noël, Le Bal des oiseaux s'est mis à circuler, à se faire des amis pour la vie.
Et c'est entre copains que nous allions entendre Thomas Fersen en spectacle. Sans en avoir réellement parlé, nous avions accroché sur les mêmes choses : on fredonnait Toutes ces bouches à nourrir et on hurlait Hippolyte en même temps que Thomas pendant Mon pays.
Deux ans plus tard, en 95, Fersen revient avec Les ronds de carottes. Les cercle des amis s'est aggrandi, mais étonnament, il ne s'est pas dilué. Le resto sympa est achalandé, mais ce n'est pas encore la cohue. Normal, Fersen raffermit son art, déploie de nouveaux arrangements, mais sait aussi rester fidèle à la chanson et à ses thèmes intemporels.
Mais c'est encore sur scène que les progrès sont les plus éloquents.
De moins en moins timide, Fersen adopte un comportement et trouve une façon bien à lui de communiquer. Pas étonnant qu'on revienne le voir si souvent...
Avec Le Jour du poisson, en 97, Thomas Fersen fait un pas de géant. Les musiques sont encore plus fouillées - avec de superbes arrangements de Joseph Racaille -, les textes fourmillent d'idées - un véritable zoo ! -, et même si la légèreté est toujours présente, les personnages des chansons sont plus cotemporains que jamais. Le resto est désormais connu et reconnu, sans toutefois le garder pour les grandes occasions.
Seul le menu a changé, histoire d'offrir une plus grande variété de plats...
Décidemment, chez Fersen, malgré cette idée fixe de l'instrumentation acoustique, le progrès n'est plus arrêtable !
À ce moment de sa carrière, la scène n'est plus un laboratoire pour Thomas.
Il s'y sent visiblement de plus en plus à l'aise et n'hésite plus à imiter le trot du cheval dans Bucéphale, par exemple. Respectueux des arrangements de Racaille, la version en concert du Jour du Poisson nous prouve que la chanson telle que nous la connaissons n'est toujours pas morte.
Avec un album tous les deux ans, voici donc les retour tant attendu de Thomas Fersen cet automne, avec Qu4tre. Cette fois, la modernité est bien au rendez-vous, sans toutefois renier ce penchant acoustique qui fait aussi sa force. Le chef du petit resto sympa a gagné des galons, et n'hésite plus à expérimenter avec de nouvelles épices jusque là bannies de sa cuisine plus traditionnelle. Et le service est toujours aussi impeccable.
La chanson franchit avec bonheur le cap du nouveau millénaire...

Saulnier Laurent
Fnac
 Septembre 1999