Entretien Avec... Thomas Fersen



Qu’il parle d’amour ou d’animaux, Thomas Fersen transmet ses émotions avec la même efficacité.
La force des mots et la beauté des mélodies qu’il compose, semblent échapper aux modes, à l’histoire, à la moralité, à son époque. Avec Qu’4tre, Thomas Fersen propose un renouvellement des thèmes, accompagné d’un renouveau musical. Rencontre avec un authentique poète.


Coursive : Quel a été votre premier contact avec la musique ?

Thomas Fersen : Mes parents n’écoutaient que du classique. L’influence de la chanson et surtout du rock me vient de mes deux sœurs plus âgées que moi de deux et quatre ans.
J’ai grandi dans un quartier de maisons de musique dans le 20ème arrondissement de Paris. Très tôt, je me suis intéressé à la musique et en particulier à la guitare.

C. : Comment composez-vous ? vous commencez par le texte, par la musique ou par les deux simultanément ?

T.F. : Maintenant, j’écris d’abord le texte mais une petite musique trotte déjà dans ma tête. Je collecte ici et là des idées, des mots, des impressions. Je les note, je les sélectionne ensuite pour trouver la bonne rime, le rythme juste. Je suis en quête permanente de paroles précises, concises, de mots peu courants, d’expressions désuètes.

C. : Pourquoi avoir choisi un pseudonyme ?

T.F. : Je l’ai fait par jeu, pour rêver, pour habiter un autre personnage. Je revenais d’un voyage en Amérique du sud. J’avais envie de sortir de moi-même, de me débarrasser de beaucoup de choses, de cette vie qui n’aboutissait pas. J’ai vécu cette nouvelle identité comme une renaissance, même si je conserve une affection pour mon vrai nom.

C. : Curieusement sur scène, on vous découvre théâtral et exubérant, voire bavard, alors qu’on vous imagine timide et réservé dans la vie…

T.F. : C’est vrai. Tantôt timide, tantôt exubérant, chacune de ces facettes dévoile ou complète ma personnalité. J’ai besoin, à un moment ou à un autre, de me prêter à ce changement de tempérament.

C. : Vous chantez surtout l’amour…

T.F. : Oui. La chanson est prétexte à séduction. Elle favorise cette quête de l’amour idéal et impossible. Parler d’amour, inventer une histoire d’amour m’amuse beaucoup. Mais comme pour la plupart de ces histoires, elles n’ont pas de sens. Chacun aime quelqu’un qui n’est pas fait pour lui.

C. : Votre premier album Le Bal des oiseaux, vous a valu la révélation masculine en 93. Quel regard portez-vous sur cette manifestation ?

T.F. : Les nominations marquent des étapes dans la carrière d’un artiste, c’est évident. Mais la création demeure une autre manière d’exister au regard des autres, de se mettre en avant, de chercher cette reconnaissance.

C. : Pourquoi avoir intitulé votre dernier album Qu’4tre ?

T.F. : Beaucoup d’animaux ont parrainé mes pochettes de disques : un moineau, un lapin et un poisson. Pour ce dernier album, j’avais envisagé un nom dans le même esprit. Jean-Baptiste Mondino (mon photographe) m’a conseillé de modifier la ligne directrice. Qu’4tre rappelle toute simplement qu’il s’agit de mon quatrième album.

C. : Où puisez-vous les textes de vos chansons comme L’Amour de la chauve-souris ou celui du Parapluie ?

T.F. : J’étais au Sri Lanka dans un jardin botanique. Je regardais de grands arbres auxquels pendaient des milliers d’énormes fruits sombres qui étaient en fait des chauves-souris. L’analogie avec les parapluies m’est venue immédiatement, sans aucune réflexion.

C. : L’animal reste chez vous une " valeur-refuge " comme l’enfance naguère…

T.F. : Mon bestiaire me sert de prétexte pour peindre des caractères, pour aborder les multiples facettes de ma personnalité. J’utilise les animaux parce qu’ils font partie de notre environnement. L’aspect volontairement naïf de ma peinture facilite, voire accentue ces caractères. Quand j’oppose un lion et un moucheron, chacun sait tout de suite qui est qui. Ils sont porteurs d’une espèce de typologie et représentent une imagerie éprouvée, humble. C’est un excellent outil.

C. : Amoureux des mots, la poésie semble être un registre privilégié

T.F. : Je suis parfois sensible à ce genre mais ce n’est pas une constante. Quoi que j’écrive, j’aime bien y mettre une forme, une concision, une musicalité, même si je traduis une pensée intime. Comme pour les animaux, j’utilise des poésies qui m’inspirent. Contrairement à La Fontaine, mes chansons ne délivrent pas de morale.


La Coursive
Ville de Fos
 Décembre 2000