Présidentielle 2002
La mobilisation. Etudiants et lycéens défilent aujourd'hui
La culture antifasciste fait le plein au Zénith
Chanteurs, acteurs et cinéastes étaient rassemblés contre le FN .

Par Elisabeth LEBOVICI,Ange-Dominique BOUZET,Bruno MASI

Le lundi 29 avril 2002

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GAUCHE: CHIRAC, QUAND MÊME

La gauche se résout à voter Chirac
Defilé à Londres
Les mauvais calculs
Dans la rue, bataillons de la gauche et petits artisans de la colère
Licra et UEJF ne veulent pas laisser la nation à Le Pen
La culture antifasciste fait le plein au Zénith
Front contre le Front
Round d'observation pour les gauches
Le début d'un très long chemin de croix
Valence. «La gauche était sanctionnable»
Strasbourg. «On s'était dit: on n'adhérera jamais à un parti»
Sainte-Geneviève. «Les autocritiques, ça va bien!»
Chirac débat en douceur en Dordogne
Bayrou s'insurge contre le parti unique du Président
Le Front national s'en prend aux «milices de gauche»
Inquiétude allemande
Wingles, ses rues vides et ses rumeurs
Le «kassosse», le chien et les bières
«Robert, comment peux-tu faire une chose pareille!»

«C'est sûr, nous avons une responsabilité dans le manque de mobilisation au premier tour.» Gérard Darmon, acteur

  16 h 50, la moitié des travées du Zénith sont encore désespérément vides. Au premier rang du balcon, François Barré, ancien directeur du Patrimoine et conseiller actuel de la Fondation François-Pinault, et Henri Loyrette, PDG du Louvre, font tapisserie en s'inquiétant. Pourtant, backstage, il y a foule. Les personnalités et futurs intervenants du grand raout de «l'art et de la culture contre l'extrême droite» se prêtent au jeu des interviews. Les traits sont tirés, les teints plombés. Patrice Chéreau, Roger Hanin, Jean-Michel Ribes, Ariane Ascaride, Daniel Toscan du Plantier, le cinéaste Laurent Heynemann, et Bernard Latarjet (le président du parc de la Villette) expriment toutes et tous leur résolution de dire au public «votez Chirac» : «Il faut leur dire, précise la comique Anne Roumanoff, que si Le Pen gagne, il lui suffit d'appliquer l'article 16 de la Constitution et la voie lui est ouverte.» D'autres tentent d'envisager l'impossible : «S'il passe, je me barre en Angleterre ou au Québec», signale Pascal Obispo. Et si c'est Chirac ? «Rien ne se passera et, dans cinq ans, on en sera encore là ; mais on n'a pas le choix, il faut y aller, il faut voter pour lui», ajoute le chanteur Daran. Dans son coin, Roger Hanin, chargé de la clôture du meeting, refuse de répondre à Libération, «ce journal de crapules intellectuelles». Ariane Ascaride, qui est venu parler au nom de la Ligue des droits de l'homme, plaide : «Nous devons parler avec les électeurs de Le Pen, c'est notre travail d'artistes, il ne faut pas les exclure.» «C'est sûr, nous avons une responsabilité dans le manque de mobilisation au premier tour», reconnaît l'acteur Gérard Darmon. Et Patrice Chéreau d'ajouter : «Nous avons la possibilité de parler, à nous de le faire.»

Quinquagénaires. A 17 heures pile, Didier Lockwood ouvre le bal. Dans la foulée, Georges Hirsch donne le coup d'envoi du «premier meeting depuis la Libération qui rassemble les appels de 103 organisations professionnelles de la culture et du spectacle». Le cinéaste Claude Miller cherche une place au sein d'un auditoire serré, où l'on remarque des jeunes couples, quelques poussettes, beaucoup d'institutionnels et une majorité de quinquagénaires. Sur scène, un traducteur en langage des signes accompagne les interventions. Régine Juin, l'ex-responsable du cinéma Les Lumières de Vitrolles, raconte le sort culturel de 40 000 habitants tombés aux mains du FN : le théâtre public réduit à une programmation de boulevard, le café musical du Sous-Marin muré, et la fermeture du ciné...

Désormais plein comme un oeuf, le Zénith baigne dans le silence. On écoute le médecin Jacques Testard, le peintre Gérard Fromanger (qui cite Picasso), Sapho (qui chante Léo Ferré), le metteur en scène Jean-Pierre Vincent : «Il faut voter le 5 mai, voter Chirac massivement. Allez-y à reculons, allez-y de travers, mais allez-y.» Les applaudissements ont remplacé les huées d'abord entendues à la mention de cette consigne de vote. Désormais, tout le monde est acquis au refrain, successivement repris par Charlotte Silvera, Paula Jacques ou Didier Daeninckx («Dans ces circonstances, le vote blanc, c'est le vote "petit blanc"»), le groupe de musique yiddish Klez («J'irai voter Chirac avec une pince à linge sur le nez et un gant Mappa»). Il y a des orateurs pour qui ça passe moins explicitement, tels le compositeur Pascal Dusapin ou la réalisatrice Coline Serreau : «Au nom de mes cosyndiqués, je vous appelle à faire barrage par tous les moyens à Le Pen.»

Insécurité sociale. Au gré des discours, les mises au point salutaires et les citations coups de poing s'enchaînent. Ainsi Didier Daeninckx : «Sur 1 200 meurtres annuels, la moitié sont passionnels. L'endroit le plus dangereux n'est pas les cités de banlieue, mais une chambre à coucher ordinaire, et la plus effroyable insécurité, c'est l'insécurité sociale. Les accidents du travail tuent plus que les assassins.» Ou Viviane Forrester : «Ce n'est pas le moment d'avoir des états d'âme, le 5 mai, ce n'est pas voter pour Chirac, mais c'est voter contre Le Pen.» Dans la salle, Robert Guédigian, à l'écart, glisse à sa voisine : «Et, en plus, on est obligés d'applaudir à tout rompre pour Chirac !» Paula Jacques rappelle : «Si Hitler a pris le pouvoir avec 33 %, c'est parce que des coeurs sensibles ont refusé de s'allier avec d'autres coeurs sensibles pour lui barrer la route.» Le Zénith déborde, ça va bientôt être l'heure de Manu Dibango, Souad Massi, la Grande Sophie, Thomas Fersen, Lulendo... La cause est entendue, la culture est anti-Le Pen.


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