Présidentielle 2002
La mobilisation. Musiciens, sportifs, représentants religieux dénoncent le programme du FN, au grand dam de Le Pen
Le «réflexe instinctif» de la scène rock militante
Noir Désir, les Têtes raides, Dominique A, Thomas Fersen et Yann Tiersen ensemble en tournée pour appeler à barrer la route à Le Pen.

Par Olivier BERTRAND

Le vendredi 03 mai 2002

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CHIRAC SE RÊVE EN DE GAULLE

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«Beaucoup de gens sont aujourd'hui dans la dépossession. Les sondages leur font croire que leur destin n'est plus entre leurs mains.» Bertrand Cantat

  Lyon de notre correspondant

ssis dans un fauteuil, un musicien raconte les clips de Bruno Mégret : «Au début, j'ai cru que c'était pas vrai, que c'était du Karl Zéro.» Bertrand Cantat, chanteur de Noir Désir, enchaîne : «Tu vois, pour moi, c'est pas sans rapport avec la présence de Le Pen. On est dans l'image, tout se mélange, tout se trouble. Le fond du tiroir est vraiment vide.» En face de lui, Grégoire Simon, des Têtes Raides, hoche la tête. En quelques jours, ils se sont organisés «à l'arrache», laissant tomber répétitions ou compositions, pour se mobiliser. Des concerts, des rencontres, une page de publicité (parue mardi dans Libération) pour dire «non». Noir Désir, les Têtes Raides, Yann Tiersen, Dominique A, Thomas Fersen... Quelques-uns des musiciens les plus en vue de la «nouvelle scène française» sortent de leur réserve (relative pour certains) et appellent à voter Chirac pour «faire barrage» à l'extrême droite.

Concert improvisé. Aujourd'hui, ils sont à Lille (1). Demain, à Orléans. Lundi, c'était Strasbourg, et le lendemain Lyon. Vers 17 heures, une camionnette s'est arrêtée devant une microbrasserie du plateau de la Croix-Rousse. Les clients ont regardé sortir des instruments, les amplis, puis arriver Thomas Fersen, les Têtes Raides, Yann Tiersen sur la terrasse, pour un concert improvisé. Un vent fort emportait une poussière de pollen qui irritait les yeux et troublait la lumière.

Quelques morceaux des Têtes raides, de Yann Tiersen, puis la terrasse a repris un Bella Ciao lancé par Thomas Fersen. Peu de messages, pas de discours. Juste un sobre «Tous aux urnes !», repris à tour de rôle par tous les musiciens. Au départ, Noir Désir était favorable à l'écriture d'un texte commun. Les Têtes Raides n'en voulaient pas. Ne pas s'approprier la parole, rester sur un engagement simple, un «réflexe instinctif». «Quand j'ai vu apparaître la gueule de Le Pen, j'ai su que je voterai Chirac», résume Grégoire Simon. Depuis, ils veulent mobiliser les plus démobilisés. Bertrand Cantat analyse : «Beaucoup de gens sont aujourd'hui dans la dépossession. Les sondages leur font croire que leur destin n'est plus entre leurs mains.»

«Vote barrage». Après la brasserie, direction la place des Terreaux, pour un concert prévu devant l'Hôtel de Ville. Laurent Verseletto, metteur en scène lyonnais (2), grimpe sur la scène et appelle à voter Jacques Chirac, «malgré le bruit et l'odeur». Puis Zenzila prend la relève et enflamme la place. Devant eux, entre 8 000 et 10 000 personnes. A son tour, Dominique A, chante et rappelle : «Ce vote barrage n'appartient pas à Jacques Chirac. Tous aux urnes dimanche.» Des spectateurs se regroupent sur les toits, assis parfois au ras des gouttières. La sécurité panique. «Faudrait abré ger», suggère un élu aux Noir Désir, qui n'ont pas encore commencé. Les Têtes Raides montent avec eux sur scène, puis Christian Olivier, le chanteur des Têtes, lance dans un mégaphone un «Non !» tonitruant.

La foule n'est plus qu'une vaste ondulation, lorsque les groupes reprennent l'Iditenté («Que Paris est beau quand chantent les oiseaux/ Que Paris est laid quand il se croit français»). Sur les toits, les spectateurs dansent à présent. Vers 21 heures, Bertrand Cantat conclut : «Il faut dire non, vous savez à quoi.» Les groupes s'arrêtent sagement. La foule scande à son tour «Non, non, non», puis «Bertrand président». Beaucoup resteront plusieurs heures sur la place, dans une ambiance très chaude, mais sans débordement.

Fournaise. Les groupes continuent dans les bars de la Croix-Rousse, jusqu'au matin. Au milieu de la nuit, ils sont à l'Atmosphère, sur une scène de 2 mètres sur 3. Une quinzaine de musiciens se pressent sans ampli, dans une véritable fournaise. De toute la nuit, le nom de Chirac ne sera pas cité. Les musiciens présents voteront pourtant pour lui. «Il faut seulement se boucher les oreilles et pas écouter ses lieutenants en ce moment», glisse Bertrand Cantat. Il remarque qu'un nombre de musiciens très dépolitisés «sortent aujourd'hui du bois». Mais relève le cynisme de la situation. «S'engager pour la première fois quand il faut appeler à voter pour Chirac, ça fait quand même mal au cul.» Pour lui, appeler à voter Jacques Chirac engage les musiciens pour la suite. «Dès le 6 mai, il faudra être là et lui mettre la pression. On ne va pas lâcher l'affaire.».

(1) En fin d'après-midi sur la Grand-Place, le soir à l'Aéronef.

(2) En 1998, il avait mis en scène les minutes des séances du conseil régional Rhône-Alpes au cours desquelles Charles Millon avait fait alliance avec le Front national.


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